Le samedi 18 janvier 2025, en interview téléphonique avec un jeune violoniste talentueux, actuellement basé à Kinshasa, nous échangeons avec lui depuis Paris. L'entretien téléphonique, réalisé et retranscrit par Kr One, rédacteur en chef de la plateforme Agic Global News, nous plonge dans l'univers musical de ce jeune prodige.
Bonheur Mayukua, alias Authentique sur scène, est un artiste dont le parcours reflète à la fois une grande discipline et une profonde connexion avec ses racines culturelles. Ce jeune violoniste nous fait découvrir son parcours, ses défis, ses inspirations et ses projets d'avenir, tout en nous offrant un aperçu unique de la scène musicale congolaise.
1. Pouvez-vous nous parler de votre parcours musical et de ce qui vous a inspiré à commencer le violon à un âge précoce ? Quelles ont été les étapes clés de votre formation musicale à Kinshasa et au-delà ?
Mon parcours musical est profondément ancré dans l’environnement familial. J'ai grandi dans une famille où la musique occupe une place centrale. Ma mère, mes tantes, et mon grand-père, qui était saxophoniste dans la fanfare de l’Église Kimbanguiste, ont grandement influencé mon éveil musical. À Kinshasa, où la musique fait partie du quotidien, j'ai naturellement été immergé dans cette culture sonore.
La première étape clé de mon parcours a été mon entrée au sein de l'Orchestre symphonique Kimbanguiste, où j’ai commencé à apprendre le violon. Cette expérience m’a permis de décrocher mon baccalauréat en musique, option violon, à l’Institut National des Arts et Spectacles de Kinshasa. Par la suite, ma carrière a pris une nouvelle tournure lorsque j’ai rejoint l'Orchestre symphonique Kimbanguiste sénior, une étape qui m’a permis d’élargir mon réseau en participant à des échanges internationaux. Ces collaborations avec des musiciens allemands et européens, ainsi que des ateliers en Afrique, ont été des moments clés de mon évolution.
2. Le violon est un instrument qui demande une grande discipline et de la persévérance. Comment gérez-vous les défis quotidiens de la pratique et de l'amélioration technique, surtout dans un contexte où l'accès aux ressources peut être limité ?
C’est une excellente question. La discipline est essentielle, et le violon n'échappe pas à cette règle. Cet instrument exige non seulement de la technique, mais aussi une relation intime avec lui. Pour moi, c’est un véritable engagement. Je dois constamment nourrir cette relation avec mon violon, que ce soit à travers la pratique quotidienne, la révision de mes exercices techniques ou l'étude de nouveaux répertoires.
Dans un contexte où les ressources sont parfois limitées, je considère cela comme une opportunité de développer ma créativité. Par exemple, je me force à être plus ingénieux avec les moyens dont je dispose pour perfectionner ma technique et ma performance. Je suis convaincu qu'avec rigueur et passion, il est toujours possible de surmonter ces défis.
3. En tant qu'artiste basé à Kinshasa, comment percevez-vous l’évolution de la scène musicale classique dans la ville et en République Démocratique du Congo ? Quels sont, selon vous, les défis et les opportunités pour les jeunes musiciens dans ce domaine spécifique ?
La scène musicale classique à Kinshasa connaît aujourd’hui un essor incroyable. De nombreux orchestres et chorales classiques émergent, et c’est un phénomène que je trouve fascinant. Ce renouveau témoigne de l'intérêt croissant pour cette forme musicale.
Cependant, les défis restent importants. La musique classique, telle que nous la connaissons, n’est pas intrinsèquement liée à notre culture africaine. L'un des plus grands défis réside dans l'apprentissage de la notation musicale occidentale et la maîtrise des codes de l'exécution classique. En tant qu’Africains, notre approche de la musique est différente, et cela peut affecter notre interprétation. Mais nous avons cette capacité unique de transmettre des émotions à travers la musique, même si notre style d'interprétation diffère de celui des Européens.
Malgré ces défis, des opportunités se créent. Par exemple, en 2021, j’ai eu l’opportunité d’être sélectionné en tant que violoniste pour le film IMA du célèbre artiste français Dadju, réalisé par Nils Tavernier. Ce genre de collaboration ouvre de nombreuses portes pour nous, artistes africains, et prouve que les opportunités peuvent aussi être créées, à condition d’avoir la volonté de se surpasser.
4. Votre répertoire est-il influencé par les traditions musicales congolaises ou africaines, ou préférez-vous vous concentrer sur la musique classique occidentale ? Quelles sont vos influences musicales majeures et comment celles-ci façonnent-elles votre jeu ?
Ma musique est un mélange subtil entre la rigueur de la musique classique et les sonorités vibrantes de la musique africaine, notamment congolaise. La musique classique, avec ses exigences d’exécution et d’interprétation, m'a permis de développer une technique solide, mais elle m’a aussi offert un cadre pour exprimer ma culture, notamment la rumba congolaise et d'autres genres afro-caribéens comme le jazz, l’afrobeat, le reggae, l’amapiano et même la musique latine.
Le rythme complexe de la culture congolaise, associé à la fluidité de la musique classique, donne une couleur particulière à mon jeu. Cette fusion des genres est au cœur de mes compositions et de mes créations. Sur le plan rythmique, cette influence est primordiale, et elle me permet de marier les traditions africaines avec des sonorités plus classiques, tout en restant fidèle à mes racines
5. Quels sont vos projets futurs en tant que violoniste ? Avez-vous des collaborations ou des performances importantes à venir ? Et comment voyez-vous l'avenir de la musique classique en RDC et en Afrique en général ?
Je projette de continuer à faire découvrir la richesse de la musique congolaise et africaine à travers le violon. Ma musique est un pont entre différentes cultures, et j'ai l'intention de traverser davantage de frontières pour partager ce mélange unique avec le monde.
Dans les mois à venir, je participerai à plusieurs projets collaboratifs, notamment le lancement d’une mixtape en juillet. De plus, des sollicitations pour d’autres collaborations artistiques ne cessent de se multiplier, ce qui est très excitant.
Quant à l'avenir de la musique classique en RDC et en Afrique, je suis optimiste. Il y a dix ans, nous avions beaucoup de difficultés à obtenir des partitions, mais aujourd'hui, grâce à l'internet, l'accès à ces ressources est bien plus facile. Dans les années à venir, je prévois un développement encore plus marqué de la scène classique en Afrique, avec davantage de collaborations internationales. Ces échanges culturels, qu’ils soient avec l’Occident, l’Asie ou d'autres continents, enrichiront l'univers musical mondial et offriront une plus grande visibilité aux artistes africains.
Conclusion :
Bonheur Mayukua, à travers sa musique et son parcours, incarne l’essor d'une nouvelle génération d'artistes africains prêts à repousser les frontières de la musique classique, tout en restant fermement ancrés dans leur héritage culturel. Son talent et ses projets futurs annoncent des horizons prometteurs pour la scène musicale congolaise et africaine. L'avenir s’annonce radieux pour ce violoniste qui, à travers chaque note, fait voyager les traditions tout en explorant de nouvelles dimensions musicales.
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